Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/156

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a de bons effets dans la monarchie ; elle donne la vie à ce gouvernement ; & on y a cet avantage, qu’elle n’y est pas dangereuse, parce qu’elle y peut être sans cesse reprimée.

Vous diriez qu’il en est comme du systême de l’univers, où il y a une force qui éloigne sans cesse du centre tous les corps, & une force de pesanteur qui les y ramene. L’honneur fait mouvoir toutes les parties du corps politique ; il les lie par son action même ; & il se trouve que chacun va au bien commun, croyant aller à ses intérêts particuliers.

Il est vrai que, philosophiquement parlant, c’est un honneur faux qui conduit toutes les parties de l’état : mais cet honneur faux est aussi utile au public, que le vrai le seroit aux particuliers qui pourroient l’avoir.

Et n’est-ce pas beaucoup, d’obliger les hommes à faire toutes les actions difficiles, & qui demandent de la force, sans autre récompense que le bruit de ces actions ?


CHAPITRE VIII.

Que l’honneur n’est point le principe des états despotiques.


CE n’est point l'honneur qui est le principe des états despotiques : les hommes y étant tous égaux, on n’y peut se préférer aux autres : les hommes y étant tous esclaves, on n’y peut se préférer à rien.

De plus, comme l’honnenr a ses loix & ses regles, & qu’il ne sçauroit plier ; qu’il dépend bien de son propre caprice, & non pas de celui d’un autre, il ne peut se trouver que dans des états où la constitution est fixe, & qui ont des loix certaines.

Comment seroit-il souffert chez le despote ? Il fait gloire de mépriser la vie, & le despote n’a de force que parce qu’il peut l’ôter. Comment pourroit-il souffrir le des-