Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/180

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par conséquent, son frere, qui l’avoit épousée, en eût deux.

Qu’on ne m’objecte pas ce que dit Philon[1], que, quoiqu’à Athenes, on épousât sa sœur consanguine, & non pas sa sœur utérine, ou pouvoit à Lacédemone épouser sa sœur utérine, & non pas sa sœur consanguine. Car je trouve dans Strabon[2] que, quand à Lacédémone une sœur épousoit son frere, elle avoit, pour sa dot, la moitié de la portion du frere. Il est clair que cette seconde loi étoit faite pour prévenir les mauvaises suites de la premiere. Pour empêcher que le bien de la famille de la sœur ne passât dans celle du frere, on donnoit en dot à la sœur la moitié du bien du frere.

Séneque[3], parlant de Silanus qui avoit épousé sa sœur, dit qu’à Athenes la permission étoit restreinte, & qu’elle étoit générale à Alexandrie. Dans le gouvernement d’un seul, il n’étoit gueres question de maintenir le partage des biens.

Pour maintenir ce partage des terres dans la démocratie ; c’étoit une bonne loi que celle qui vouloit qu’un pere, qui avoit plusieurs enfans, en choisit un pour succéder à sa portion[4], & donnât les autres en adoption à quelqu’un qui n’eût point d’enfans, afin que le nombre des citoyens pût toujours se maintenir égal à celui des partages.

Phaléas de Calcécloine[5] avoit imaginé une façon de rendre égales les fortunes, dans une république où elles ne l’étoient pas. Il vouloit que les riches donnassent des dots aux pauvres, & n’en reçussent pas ; & que les pauvres reçussent de l’argent pour leurs filles, & n’en donnassent pas. Mais je ne sçache point qu’aucune ré-

  1. De specialibus legibus quæ pertinent ad præcepta decalogi.
  2. Lib. X.
  3. Athenis dimidium licet, Alexandrie totum. Séneque, de morte Claudii.
  4. Platon fait une pareille loi, liv. III des loix.
  5. Aristote, politique, liv. II, chap. VII.