Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/204

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gneroit sur les marchandises. Aussi les loix sur le commerce n’y ont-elles gueres de lieu ; elles se réduisent à la simple police.

Le gouvernement ne sçauroit être injuste, sans avoir des mains qui exercent ses injustices : or il est impossible que ces mains ne s’emploient pour elles-mêmes. Le péculat est donc naturel dans les états despotiques.

Ce crime y étant le crime ordinaire, les confiscations y sont utiles. Par-là on console le peuple ; l’argent qu’on en tire est un tribut considérable, que le prince leveroit difficilement sur des sujets abymés : il n’y a même, dans ce pays, aucune famille qu’on veuille conserver.

Dans les états modérés, c’est tout autre chose. Les confiscations rendroient la propriété des biens incertaine ; elles dépouilleroient des enfans innocens ; elles détruiroient une famille, lorsqu’il ne s’agiroit que de punir un coupable. Dans les républiques, elles seroient le mal d’ôter l’égalité qui en fait l’ame, en privant un citoyen de son nécessaire physique[1].

Une loi Romaine veut[2] qu’on ne confisque que dans le cas du crime de lese-majesté au premier che£ Il seroit très-sage de suivre l’esprit de cette loix, & de borner les confiscations à de certains crimes. Dans les pays où une coutume locale a disposé des propres, Bodin[3] dit très-bien qu’il ne faudroit confisquer que les acquêts.


CHAPITRE XVI.

De la communication du pouvoir.


DANS le gouvernement despotique, le pouvoir passe tout entier dans les mains de celui à qui on le confie.

  1. Il me semble qu’on aimoit trop les confiscations dans la république d’Athenes.
  2. Authent. Bona dammatorum. Cod. de bon. proscript. seu damn.
  3. Livre V. chapitre III.