Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/224

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mier, on doit prendre les affaires avec une certaine passion, & les suivre de même ; ce qu’on ne peut gueres espérer que de quatre ou cinq hommes qui en font leur affaire. Il faut, au contraire, des tribunaux de judicature de sang-froid, & à qui toutes les affaires soient, en quelque façon, indifférentes.


CHAPITRE VII.

Du magistrat unique.


UN tel magistrat ne peut avoir lieu que dans le gouvernement despotique. On voit, dans l’histoire Romaine, à quel point un juge unique peut abuser de son pouvoir. Comment Appius, sur son tribunal, n’auroit-il pas méprisé les loix, puisqu’il viola même celle qu’il avoit faite[1] ? Tite Live nous apprend l’inique distinction du décemvir. Il avoit aposté un homme qui réclamoit, devant lui, Virginie comme son esclave ; les parens de Virginie lui demanderent, qu’en vertu de sa loi, on la leur remit jusqu’au jugement définitif. Il déclara que sa loi n’avoit été faite qu’en faveur du pere ; & que, Virginius étant absent, elle ne pouvoit avoir d’application[2].

  1. Voyez la loi II, §. 24, ff. de orig. jur.
  2. Quod pater puellœ abesset, locum injuriæ esse ratus. Tite Live, decade premiere, livre III.