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les crimes[1] : le noble perd l’honneur & réponse en cour ; pendant que le vilain, qui n’a point d’honneur, est puni en son corps.


CHAPITRE XI.

Que, lorsqu’un peuple est vertueux, il faut peu de peines.


LE peuple Romain avoit de la probité. Cette probité eut tant de force, que souvent le législateur n’eut besoin que de lui montrer le bien, pour le lui faire suivre. Il sembloit, qu’au lieu d’ordonnances, il suffisoit de lui donner des conseils.

Les peines des loix royales, & celles des loix des douze-tables, furent presque toutes ôtées dans la république, soit par une suite de la loi Valérienne[2], soit par une conséquence de la loi Porcie[3]. On ne remarqua pas que la république en fût plus mal réglée, & il n’en résulta aucune lésion de police.

Cette loi Valérienne, qui défendoit aux magistrats toute voie de fait contre un citoyen qui avoit appellé au peuple, n’infligeoit à celui qui y contreviendroit que la peine d’être réputé méchant[4].

  1. Voyez le conseil de Pierre Desfontaines, chap. XIII, surtout l’article 22.
  2. Elle fut faite par Valerius Publicola, bientôt après l’expulsion des rois : elle fut renouvellée deux fois, toujours par des magistrats de la même famille, comme le dit Tite Live, liv. X. Il n’étoit pas question de lui donner plus de force, mais d’en perfectionner les dispositions. Diligentius sanctum, dit Tite Live, ibid.
  3. Lex Porcia pro tergo civium lata. Elle fut faite en 454 de la fondation de Rome.
  4. Nihil ultrà quàm improbe factum adjecit. Tite Live.