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nous voyons que les consuls ou le sénat la faisoient souvent malgré l’opposition de ses tribuns. Ainsi[1] il créa lui-même les tribuns des légions, que les généraux avoient nommés jusqu’alors : &, quelque temps avant la premiere guerre punique, il régla qu’il auroit seul le droit de déclarer la guerre[2].


CHAPITRE XVIII.

De la puissance de juger, dans le gouvernement de Rome.


LA puissance de juger fut donnée au peuple, au sénat, aux magistrats, à de certains juges. Il faut voir comment elle fut distribuée. Je commence par les affaires civiles.

Les consuls[3] jugerent après les rois, comme les préteurs jugerent après les consuls. Servius Tullius s’étoit dépouillé du jugement des affaires civiles : les consuls ne les jugerent pas non plus, si ce n’est dans des cas très-rares[4], que l’on appella, pour cette raison, extraordinaires[5]. Ils se contenterent de nommer les


  1. L’an de Rome 444. Tite Live, premiere decade, liv. IX. La guerre contre Persée paroissant périlleuse, un sénatus-consulte ordonna que cette loi seroit suspendue ; & le peuple y consentit. Tite Live, cinquieme décade, liv. II.
  2. Il l’arracha du sénat, dit Freinshemius, deuxieme décade, liv. VI.
  3. On ne peut douter que les consuls, avant la création des préteurs, n’eussent eu les jugemens civils. Voyez Tite Live, premiere décade, liv. II, p. 19 ; Denys d’Halicarnasse, liv. X, p. 627 ; & même livre, p. 645.
  4. Souvent les tribuns jugerent seuls ; rien ne les rendit plus odieux. Denys d’Halicarnasse, liv. XI, pag. 709.
  5. Judicia extraordinaria. Voyez les institutes, liv. IV.