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Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/35

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Ces réflexions, qui sont répétées dans tous nos livres, & qu’un coup d’œil sur le cœur humain & son histoire nous font appercevoir, sont de la plus grande vérité : mais que la passion dominante d’une république soit l’amour des richesses, ou la jalousie contre les états qui l’environnent : qu’elle tourne, tant qu’elle voudra, ses opérations du côté de cet objet ; cela fera-t-il, que, pour qu’elle soit république, il soit indispensable que le peuple soit libre ; & pour qu’il reste libre, qu’il ait, & qu’il conserve le droit d’élire & de juger ses magistrats ?

Qu’un monarque tourne ses vues du côté de la conquête, ou du côté du commerce ; que son successeur change d’objet ; ces variations feront-elles que l’on puisse concevoir une monarchie sans un souverain dont le pouvoir soit tempéré par les loix, si ces loix ne sont confiées à des dépositaires qui puissent les faire valoir en faveur de la nation ; &, s’il n’y a enfin, dans l’état, différens canaux qui transmettent successivement les ordres du souverain aux extrémités du peuple ? En sera-t-il moins vrai que cette sorte de gouvernement ne se maintiendra point, si le monarque n’a dans sa main des motifs qui excitent les sujets à se livrer au service de l’état ; & si ceux-ci n’en ont un qui les arrête, quand ces motifs leur sont présentés comme un appât pour se prêter à des injustices, ou pour les exécuter ?

On doit dire la même chose du despotisme.