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la raison humaine, le crime de non-révélation s’applique aux cas les plus ordinaires.

Une relation[1] nous parle de deux demoiselles qui furent enfermées jusqu’à la mort dans un coffre hérissé de pointes ; l’une, pour avoir eu quelque intrigue de galanterie ; l’autre, pour ne l’avoir pas révélée.


CHAPITRE XVIII.

Combien il est dangereux, dans les républiques, de trop punir le crime de lese-majesté.


QUAND une république est parvenue à détruire ceux qui vouloient la renverser, il faut se hâter de mettre fin aux vengeances, aux peines, & aux récompenses mêmes.

On ne peut faire de grandes punitions, & par conséquent de grands changemens, sans mettre dans les mains de quelques citoyens un grand pouvoir. Il vaut donc mieux, dans ce cas, pardonner beaucoup, que punir beaucoup ; exiler peu, qu’exiler beaucoup ; laisser les biens, que multiplier les confiscations. Sous prétexte de la vengeance de la république, on établiroit la tyrannie des vengeurs. Il n’est pas question de détruire celui qui domine, mais la domination. Il faut rentrer, le plutôt que l’on peut, dans ce train ordinaire du gouvernement où les loix protegent tout, & ne s’arment contre personne.

Les Grecs ne mirent point de bornes aux vengeances qu’ils prirent des tyrans ou de ceux qu’ils soupçonnerent de l’être. Ils firent mourir les enfans[2], quelque-


  1. Recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la compagnie des Indes, pag. 423, liv. V, part. 2.
  2. Denys d’Halicarnasse, antiquités Romaines, liv. VIII.