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leur religion, leur philosophie & leurs loix toutes pratiques. Plus les causes physiques portent les hommes au repos, plus les causes morales les en doivent éloigner.


CHAPITRE VI.

De la culture des terres, dans les climats chauds.


LA culture des terres est le plus grand travail des hommes. Plus le climat les porte à fuir ce travail, plus la religion & les loix doivent y exciter. Ainsi les loix des Indes, qui donnent les terres aux princes, & ôtent aux particuliers l’esprit de propriété, augmentent les mauvais effets du climat, c’est-à-dire, la paresse naturelle.


CHAPITRE VII.

Du monachisme.


LE monachisme y fait les mêmes maux ; il est né dans les pays chauds d’orient, où l’on est moins porté à l’action qu’à la spéculation.

En Asie, le nombre des derviches ou moines semble augmenter avec la chaleur du climat ; les Indes, où elle est excessive, en sont remplies : on trouve en Europe cette même différence.

Pour vaincre la paresse du climat, il faudroit que les loix cherchassent à ôter tous les moyens de vivre sans travail : mais, dans le midi de l’Europe, elles font tout le contraire ; elles donnent à ceux qui veulent être oisifs des places propres à la vie spéculative, & y attachent des richesses immenses. Ces gens, qui vivent dans une abondance qui leur est à charge, donnent avec raison leur superflu au bas peuple : il a perdu la propriété des biens ; ils l’en dédommagent par l’oisiveté dont ils le font jouir ; & il parvient à aimer sa misere même.