Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/424

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de son frere, de son fils, ou de son oncle. L’imagination des peuples s’alluma, celle des législateurs s’échauffa de meme ; la loi soupçonna tout, pour un peuple qui pouvoit tout soupçonner.

Ces loix eurent donc une extrême attention sur les deux sexes. Mais il semble que, dans les punitions qu’elles tirent, elles songerent plus à flatter la vengeance particuliere, qu’à exercer la vengeance publique. Ainsi, dans la plupart des cas, elles réduisoient les deux coupables dans la servitude des parens ou du mari offensé. Une femme[1] ingénue, qui s’étoit livrée à un homme marié, étoit remise dans la puissance de sa femme, pour en disposer à sa volonté. Elles obligeoient les esclaves[2] de lier & de présenter au mari sa femme qu’ils surprenoient en adultere : elles permettoient à ses enfans[3] de l’accuser, & de mettre à la question ses esclaves pour la convaincre. Aussi furent-elles plus propres à rafiner à l’excès un certain point d’honneur, qu’à former une bonne police. Et il ne faut pas être étonné si le comte Julien crut qu’un outrage de cette espece demandoit la perte de sa patrie & de son roi. On ne doit pas être surpris si les Maures, avec une telle conformité de mœurs, trouverent tant de facilité à s’établir en Espagne, à s’y maintenir, & à retarder la chûte de leur empire.


CHAPITRE XV.

De la différente confiance que les loix ont dans le peuple, selon les climats.


LE peuple Japonois a un caractere si atroce, que ses législateurs & ses magistrats n’ont pu avoir aucune

  1. Loi des Wisigoths, liv. III, tit. 4, §. 9.
  2. Ibid. liv. III, tit. 4. §. 6.
  3. Ibid. liv. III, tit. 4, §. 13.