Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/553

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que par la suffisance & par la vertu ; profession honorable, mais qui en laisse toujours voir une plus distinguée : cette noblesse toute guerriere, qui pense qu’en quelque degré de richesses que l’on soit, il faut faire sa fortune ; mais qu’il est honteux d’augmenter son bien, si on ne commence par le dissiper ; cette partie de la nation, qui sert toujours avec le capital de son bien ; qui, quand elle est ruinée, donne sa place à une autre qui servira avec son capital encore ; qui va à la guerre pour que personne n’ose dire qu’elle n’y a pas été ; qui, quand elle ne peut espérer les richesses, espere les honneurs ; & lorsqu’elle ne les obtient pas, se console, parce qu’elle a acquis de l’honneur : toutes ces choses ont nécessairement contribué à la grandeur de ce royaume. Et si, depuis deux ou trois siecles, il a augmenté sans cesse sa puissance, il faut attribuer cela à la bonté de ses loix, non pas à la fortune, qui n’a pas ces sortes de constance.


CHAPITRE XXIII.

A quelles nations il est désavantageux de faire le commerce.


LES richesses consistent en fonds de terre, ou en effets mobiliers : les fonds de terre de chaque pays sont ordinairement possédés par ses habitans. La plupart des états ont des loix qui dégoûtent les étrangers de l’acquisition de leurs terres ; il n’y a même que la présence du maître qui les fasse valoir : ce genre de richesses appartient donc à chaque état en particulier. Mais les effets mobiliers, comme l’argent, les billets, les lettres de change, les actions sur les compagnies, les vaisseaux, toutes les marchandises, appartiennent au monde entier, qui, dans ce rapport, ne compose qu’un seul état, dont toutes les sociétés sont les membres : le peuple qui possede le plus de ces effets mobiliers de l’uni-