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LIVRE XXI.

Des loix, dans le rapport qu’elles ont avec le commerce, considéré dans les révolutions qu’il a eues dans le monde.


CHAPITRE PREMIER.

Quelques considérations générales.


QUOIQUE le commerce soit sujet à de grandes révolutions, il peut arriver que de certaines causes physiques, la qualité du terrein ou du climat, fixent pour jamais sa nature.

Nous ne faisons aujourd’hui le commerce des Indes que par l’argent que nous y envoyons. Les Romains[1] y portoient toutes les années environ cinquante millions de sesterces. Cet argent, comme le nôtre aujourd’hui, étoit converti en marchandises qu’ils rapportoient en occident. Tous les peuples qui ont négocié aux Indes y ont toujours porté des métaux, & en ont rapporté des marchandises.

C’est la nature même qui produit cet effet. Les Indiens ont leurs arts, qui sont adaptés à leur maniere de vivre. Notre luxe ne sçauroit être le leur, ni nos besoins être leurs besoins. Leur climat ne leur demande, ni ne leur permet presque rien de ce qui vient de chez nous. Ils vont en grande partie nuds ; les vêtements qu’ils ont, le pays les leur fournit convenables ; & leur religion, qui a sur eux tant d’empire, leur donne de la répugnance pour les choses qui nous servent de nour-


  1. Pline, liv. VI, chap. XXIII.