Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/56

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pitale du monde, qui l’est encore à certains égards, il s’appliqua sur-tout à examiner ce qui la distingue aujourd’hui le plus ; les ouvrages des Raphaël, des Titien, & des Michel-Ange. Il n’avoit point fait une étude particuliere des beaux arts ; mais l’expression, dont brillent les chefs-d’œuvre en ce genre, saisit infailliblement tout homme de génie. Accoutumé à étudier la nature, il la reconnoît quand elle est imitée, comme un portrait ressemblant frappe tous ceux à qui l’original est familier. Malheur aux productions de l’art dont toute la beauté n’est que pour les artistes !

Après avoir parcouru l’Italie, monsieur de Montesquieu vint en Suisse. Il examina soigneusement les vastes pays arrosés par le Rhin. Et il ne lui resta plus rien à voir en Allemagne ; car Frédéric ne regnoit pas encore. Il s’arrêta ensuite quelque temps dans les Provinces-Unies, monument admirable de ce que peut l’indutrie humaine, animée par l’amour de la liberté. Enfin il se rendit en Angleterre, où il demeura deux ans. Digne de voir & d’entretenir les plus grands hommes, il n’eut à regretter que de n’avoir pas fait plutôt ce voyage. Locke & Newton étoient morts. Mais il eut souvent l’honneur de faire sa cour à leur protectrice, la célebre reine d’Angleterre, qui cultivoit la philosophie sur le trône, & qui goûta, comme elle le devoit, monsieur de Montesquieu. Il ne fut pas moins accueilli par la nation qui n’avoit pas besoin, sur cela, de prendre le ton de ses maîtres. Il forma à Londres des liaisons intimes avec des hommes exercés à méditer, & à se préparer aux grandes choses par des études profondes. Il s’instruisit avec eux de la nature du gouvernement, & parvint à le bien connoître. Nous parlons ici d’aprés les témoignages publics que lui en ont rendu les Anglois eux-mêmes, si jaloux de nos avantages, & si peu disposés à reconnoître en nous aucune supériorité.

Comme il n’avoit rien examiné, ni avec la prévention