Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/569

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immense circonférence autour d’elle ; & elle y voyoit, pour ainsi dire, tout le monde qui n’étoit pas barbare. Pénétra-t-elle en Sicile & en Italie ? elle y forma des nations. Navigea-t-elle vers les mers du pont, vers les côtes de l’Asie mineure, vers celles d’Afrique ? elle en fit de même. Ses villes acquirent de la prospérité, à mesure qu’elles se trouverent près de nouveaux peuples. Et, ce qu’il y avoit d’admirable, des isles sans nombre, situées comme en premiere ligne, l’entouroient encore.

Quelles causes de prospérité pour la Grece, que des jeux qu’elle donnoit, pour ainsi dire, à l’univers ; des temples, où tous les rois envoyoient des offrandes ; des fêtes, où l’on s’assembloit de toutes parts ; des oracles, qui faisoient l’attention de toute la curiosité humaine ; enfin, le goût & les arts portés à un point, que de croire les surpasser, sera toujours ne les pas connoître ?


CHAPITRE VIII.

D’Alexandre. Sa conquête.


QUATRE événemens arrivés sous Alexandre firent, dans le commerce, une grande révolution ; la prise de Tyr, la conquête de l’Égypte, celle des Indes, & la découverte de la mer qui est au midi de ce pays.

L’empire des Perses s’étendoit jusqu’à l’Indus[1]. Long-temps avant Alexandre, Darius[2] avoit envoyé des navigateurs qui descendirent ce fleuve, & allerent jusqu’à la mer Rouge. Comment donc les Grecs furent-ils les premiers qui firent par le midi le commerce des Indes ? Comment les Perses ne l’avoient-ils pas fait auparavant ? Que leur servoient des mers qui étoient si proches d’eux, des mers qui baignoient leur empire ?

  1. Strabon, liv. XV.
  2. Hérodote, in Melpomene.