Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/82

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relâchement des mœurs, & la séduction des femmes. Leur douceur & leur foiblesse même les rend assez propres à gouverner dans les monarchies ; & l’histoire prouve que souvent elles ont porté la couronne avec gloire.

Monsieur de Montesquieu ayant ainsi parcouru chaque gouvernement en particulier, les examine ensuite dans le rapport qu’ils peuvent avoir les uns aux autres, mais seulement sous le point de vue le plus général, c’est-à-dire, sous celui qui est uniquement relatif à leur nature & à leur principe. Envisagés de cette maniere, les états ne peuvent avoir d’autres rapports que celui de se défendre ou d’attaquer. Les républiques devant, par leur nature, renfermer un petit état, elles ne peuvent se défendre sans alliance ; mais c’est avec des républiques qu’elles doivent s’allier. La force défensive de la monarchie consiste principalement à avoir des frontieres hors d’insulte. Les états ont, comme les hommes, le droit d’attaquer pour leur propre conservation : du droit de la guerre dérive celui de conquête ; droit nécessaire, légitime & malheureux, qui laisse toujours à payer une dette immense pour s’acquitter envers la nature humaine, & dont la loi générale est de faire aux vaincus le moins de mal qu’il est possible. Les républiques peuvent moins conquérir que les monarchies : des conquêtes immenses supposent le despotisme, ou l’assurent. Un des grands principes de l’esprit de conquête doit être de rendre meilleure, autant qu’il est possible, la condition du peuple conquis : c’est satisfaire, tout à la fois, la loi naturelle & la maxime d’état. Rien n’est plus beau que le traité de paix de Gélon avec les Carthaginois, par lequel il leur défendit d’immoler à l’avenir leurs propres enfans. Les Espagnols, en conquérant le Pérou, auroient dû obliger de même les habitans à ne plus immoler des hommes à leurs dieux ; mais ils crurent plus avantageux d’immoler ces peuples mêmes. Ils n’eurent plus pour conquête