Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/89

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de pays & de peuples, l’auteur revient de nouveau à considérer les états les uns par rapport aux autres. D’abord, en les comparant entre eux d’une maniere générale, il n’avoit pu les envisager que par rapport au mal qu’ils peuvent se faire ; ici il les envisage par rapport aux secours mutuels qu’ils peuvent se donner : or ces secours sont principalement fondés sur le commerce. Si l’esprit de commerce produit naturellement un esprit d’intérêt opposé à la sublimité des vertus morales, il rend aussi un peuple naturellement juste, & en éloigne l’oisiveté & le brigandage. Les nations libres, qui vivent sous des gouvernemens modérés, doivent s’y livrer plus que les nations esclaves. Jamais une nation ne doit exclure de son commerce une autre nation, sans de grandes raisons. Au reste, la liberté en ce genre n’est pas une faculté absolue accordée aux négocians de faire ce qu’ils veulent, faculté qui leur seroit souvent préjudiciable ; elle consiste à ne gêner les négocians qu’en faveur du commerce. Dans la monarchie, la noblesse ne doit point s’y adonner, encore moins le prince. Enfin, il est des nations auxquelles le commerce est désavantageux : ce ne font pas celles qui n’ont besoin de rien, mais celles qui ont besoin de tout : paradoxe que l’auteur rend sensible par l’exemple de la Pologne, qui manque de tout, excepté de bled, & qui, par le commerce qu’elle en fait, prive les paysans de leur nourriture, pour satisfaire au luxe des seigneurs. M. de Montesquieu, à l’occasion des loix que le commerce exige, fait l’histoire de ses différentes révolutions ; & cette partie de son livre n’est ni la moins intéressante, ni la moins curieuse. Il compare l’appauvrissement de l’Espagne, par la découverte de l’Amérique, au sort de ce prince imbécille de la fable, prêt à mourir de faim, pour avoir demandé aux dieux que tout ce qu’il toucheroit se convertit en or. L’usage de la monnoie étant une partie considérable de l’objet