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CHAPITRE XXI.

De la métempsycose.


LE dogme de l’immortalité de l’ame se divise en trois branches ; celui de l’immortalité pure, celui du simple changement de demeure, celui de la métempsycose ; c’est-à-dire, le systême des chrétiens, le systême des Scythes, le systême des Indiens. Je viens de parler des deux premiers ; & je dirai du troisieme que, comme il a été bien & mal dirigé, il a aux Indes de bons & de mauvais effets : comme il donne aux hommes une certaine horreur pour verser le sang, il y a aux Indes très-peu de meurtres ; &, quoiqu’on n’y punisse gueres de mort, tout le monde y est tranquille.

D’un autre côté, les femmes s’y brûlent à la mort de leurs maris : il n’y a que les innocens qui y souffrent une mort violente.


CHAPITRE XXII.

Combien il est dangereux que la religion inspire de l’horreur pour des choses indifférentes.


UN certain honneur, que des préjugés de religion établissent aux Indes, fait que les diverses castes ont horreur les unes des autres. Cet honneur est uniquement fondé sur la religion ; ces distinctions de famille ne forment pas des distinctions civiles ; il y a tel Indien qui se croiroit déshonoré, s’il mangeoit avec son roi.

Ces sortes de distinctions sont liées à une certaine aversion pour les autres hommes, bien différente des sentimens que doivent faire naître les différences des rangs, qui parmi nous contiennent l’amour pour les inférieurs.