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Dampierre[1] remarque que les divertissemens des peuples varient beaucoup selon les climats. Comme les climats chauds produisent quantité de fruits délicats, les barbares, qui trouvent d’abord le nécessaire, emploient plus de temps à le divertir : les Indiens des pays froids n’ont pas tant de loisir ; il faut qu’ils pêchent & chassent continuellement ; il y a donc chez eux moins de danses, de musique & de festins ; & une religion qui s’établiroit chez ces peuples, devroit avoir égard à cela dans l’institution des fêtes.


CHAPITRE XXIV.

Des loix de religion locales.


IL y a beaucoup de loix locales dans les diverses religions. Et quand Montésuma s’obstinoit tant à dire que la religion des Espagnols étoit bonne pour leur pays, & celle du Mexique pour le sien, il ne disoit pas une absurdité ; parce qu’en effet les législateurs n’ont pu s’empêcher d’avoir égard à ce que la nature avoit établi avant eux.

L’opinion de la métempsycose est faite pour le climat des Indes. L’excessive chaleur brûle[2] toutes les campagnes ; on n’y peut nourrir que très-peu de bétail ; on est toujours en danger d’en manquer pour le labourage ; les bœufs ne s’y multiplient[3] que médiocrement, ils sont sujets à beaucoup de maladies : une loi de religion qui les conserve est donc très-convenable à la police du pays.

Pen-

  1. Nouveaux voyages autour du monde, tome II.
  2. Voyage de Bernier, tome II, page 137.
  3. Lettres édifiantes, douzieme recueil, page 95.