Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/132

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à vie, ni faire des emprunts à vie, à moins qu’on ne veuille qu’ils se rendent héritiers de tous ceux qui n’ont point de parens, & de tous ceux qui n’en veulent point avoir : ces gens jouent contre le peuple, mais ils tiennent la banque contre lui.


CHAPITRE VII.

Du luxe de la superstition.


« CEUX-LÀ sont impies envers les dieux, dit Platon[1], qui nient leur existence ; ou qui l’accordent, mais soutiennent qu’ils ne se mêlent point des choses d’ici-bas ; ou enfin qui pensent qu’on les appaise aisément par des sacrifices : trois opinions également pernicieuses. » Platon dit là tout ce que la lumière naturelle a jamais dit de plus sensé en matière de religion. La magnificence du culte extérieur a beaucoup de rapport à la constitution de l’état. Dans les bonnes républiques, on n’a pas feulement réprimé le luxe de la vanité, mais encore celui de la superstition : on a fait, dans la religion, des loix d’épargne. De ce nombre, sont plusieurs loix de Solon ; plusieurs loix de Platon sur les funérailles, que Cicéron a adoptées ; enfin quelques loix de Numa[2] sur les sacrifices.

« Des oiseaux, dit Cicéron, & des peintures faites en un jour, sont des dons très-divins. Nous offrons des chofes communes, disoit un Spartiate, afin que nous ayions tous les jours le moyen d’honorer les dieux. » Le soin que les hommes doivent avoir de rendre un culte à la divinité, est bien différent de la magnificence de ce culte. Ne lui offrons point nos trésors, si nous ne voulons lui faire voir l’estime que nous faisons des chofes qu’elle veut que nous méprisions.

  1. Des loix, liv. X.
  2. Rogum vino ne respergito. Loi des douze-tables.