Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/144

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des idées accessoires tirées de ces temps-là, qui puissent les contredire. Les loix humaines, au contraire, tirent avantage de leur nouveauté, qui annonce une attention particulière & actuelle du législateur, pour les faire observer.

CHAPITRE III.

Des loix civiles qui sont contraires à la loi naturelle

Si un esclave, dit Platon, se défend, & tue un homme libre, il doit être traité comme un parricide (a). Voilà une loi civile qui punit la défense naturelle. La loi qui, sous Henri VII, condamnoit un homme sans que les témoins lui eussent été confrontés, étoit contraire à la défense naturelle : en effet, pour qu’on puisse condamner, il faut bien que les témoins sçachent que l’homme contre qui ils déposent est celui que l’on accuse, & que celui-ci puisse dire : Ce n’est pas moi dont vous parlez.

La loi passée sous le même règne, qui condamnoit toute fille qui, ayant eu un mauvais commerce avec quelqu’un, ne le déclareroit point au roi, avant de l’épouser, violoit la défense de la pudeur naturelle : il est aussi déraisonnable d’exiger d’une fille qu’elle fasse cette déclaration, que de demander d’un homme qu’il ne cherche pas à défendre sa vie.

La loi d'Henri II, qui condamne à mort une fille dont l’enfant a péri, en cas qu’elle n’ait point déclaré au magistrat sa grossesse, n’est pas moins contraire à la défense naturelle. Il suffisoit de l’obliger d’en instruire une de ses plus proches parentes, qui veillât à la conservation de l’enfant.

Quel autre aveu pourroit-elle faire, dans ce supplice

(a) Liv. IX des loix.