Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/264

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rite des louanges. Tout homme qui mouroit sans donner une partie de ses biens à l’église, ce qui s’appeloit mourir déconfés, étoit privé de la communion et de la sépulture. Si l’on mouroit sans faire de testament, il falloit que les parents obtinssent de l’évêque qu’il nommât, concurremment avec eux, des arbitres, pour fixer ce que le défunt auroit dû donner en cas qu’il eût fait un testament. On ne pouvoit pas coucher ensemble la première nuit des noces, ni même les deux suivantes, sans en avoir acheté la permission ; c’étoit bien ces trois nuits-là qu’il falloit choisir, car, pour les autres on n’auroit pas donné beaucoup d’argent. Le parlement corrigea tout cela. On trouve, dans le Glossaire du droit français de Ragueau l’arrêt qu’il rendit contre l’évêque d’Amiens.

Je reviens au commencement de mon chapitre. Lorsque, dans un siècle, ou dans un gouvernement, on voit les divers corps de l’État chercher à augmenter leur autorité, et à prendre les uns sur les autres de certains avantages, on se tromperoit souvent si l’on regardoit leurs entreprises comme une marque certaine de leur corruption. Par un malheur attaché à la condition humaine, les grands hommes modérés sont rares ; et, comme il est toujours plus aisé de suivre sa force que de l’arrêter, peut-être, dans la classe des gens supérieurs, est-il plus facile de trouver des gens extrêmement vertueux, que des hommes extrêmement sages.

L’âme goûte tant de délices à dominer les autres âmes ; ceux mêmes qui aiment le bien s’aiment si fort eux-mêmes, qu’il n’y a personne qui ne soit assez malheureux pour avoir encore à se défier de ses bonnes intentions : et, en vérité, nos actions tiennent à tant de choses, qu’il est mille fois plus aisé de faire le bien, que de le bien faire.