Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/292

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Chapitre XVII.

Mauvaise manière de donner des lois.


Les empereurs romains manifestaient, comme nos princes, leurs volontés par des décrets et des édits ; mais ce que nos princes ne font pas, ils permirent que les juges ou les particuliers, dans leurs différends, les interrogeassent par lettres ; et leurs

réponses étaient appelées des rescrits. Les décrétales des papes sont, à proprement parler, des rescrits. On sent que c’est une mauvaise sorte de législation. Ceux qui demandent ainsi des lois sont de mauvais guides pour le législateur ; les faits sont toujours mal exposés. Trajan, dit Jules Capitolin, refusa souvent de donner de ces sortes de rescrits, afin qu’on n’étendît pas à tous les cas une décision, et souvent une faveur particulière. Macrin avait résolu d’abolir tous ces rescrits  ; il ne pouvait souffrir qu’on regardât comme des lois les réponses de Commode, de Caracalla, et de tous ces autres princes pleins d’impéritie. Justinien pensa autrement, et il en remplit sa compilation.

Je voudrais que ceux qui lisent les lois romaines distinguassent bien ces sortes d’hypothèses d’avec les sénatus-consultes, les plébiscites, les constitutions générales des empereurs, et toutes les lois fondées sur la nature des choses, sur la fragilité des femmes, la faiblesse des mineurs et l’utilité publique.