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LIVRE XXX

Théorie des loix féodales chez les Francs, dans le rapport qu’elles ont avec l’établissement de la monarchie.


CHAPITRE PREMIER.

Des loix féodales.


Je croirois qu’il y auroit une imperfection dans mon ouvrage, si je passois sous silence un événement arrivé une fois dans le monde, & qui n’arrivera peut-être jamais ; si je ne parlois de ces loix que l’on vit paroître en un moment dans toute l’Europe, sans qu’elles tinssent à celles que l’on avoit jusques alors connues ; de ces loix qui ont fait des biens et des maux infinis ; qui ont laissé des droits quand on a cédé le domaine ; qui, en donnant à plusieurs personnes divers genres de seigneurie sur la même chose ou sur les mêmes personnes, ont diminué le poids de la seigneurie entiere ; qui ont posé diverses limites dans des empires trop étendus ; qui ont produit la regle avec une inclinaison à l’anarchie, & l’anarchie avec une tendance à l’ordre & à l’harmonie.

Ceci demanderoit un ouvrage exprès ; mais, vu la nature de celui-ci, on y trouvera plutôt ces loix comme je les ai envisagées, que comme je les ai traitées.

C’est un beau spectacle que celui des loix féodales : un chêne antique s’élève[1] ; l’œil en voit de loin

  1. ...... Quantùm vertice ad oras
    Æthereas, tantùm ad tartara tendit.

    Virgile.