Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/307

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

résistance, la révolte, la prise des villes, emportaient avec elles la servitude des habitants. Et comme, outre les guerres que les différentes nations conquérantes firent entre elles, il y eut cela de particulier chez les Francs, que les divers partages de la monarchie firent naître sans cesse des guerres civiles entre les frères ou neveux, dans lesquelles ce droit des gens fut toujours pratiqué ; les servitudes devinrent plus générales en France que dans les autres pays : et c’est, je crois, une des causes de la différence qui est entre nos lois françaises et celles d’Italie et d’Espagne, sur les droits des seigneurs.

La conquête ne fut que l’affaire d’un moment ; et le droit des gens que l’on y employa, produisit quelques servitudes. L’usage du même droit des gens, pendant plusieurs siècles, fit que les servitudes s’étendirent prodigieusement.

Theuderic, croyant que les peuples d’Auvergne ne lui étaient pas fidèles, dit aux Francs de son partage : « Suivez-moi, je vous mènerai dans un pays où vous aurez de l’or, de l’argent, des captifs, des vêtements, des troupeaux en abondance ; et vous en transférerez tous les hommes dans votre pays. »

Après la paix qui se fit entre Gontran et Chilpéric, ceux qui assiégeaient Bourges ayant eu ordre de revenir, ils amenèrent tant de butin, qu’ils ne laissèrent presque dans le pays ni hommes ni troupeaux.

Théodoric, roi d’Italie, dont l’esprit et la politique étaient de se distinguer toujours des autres rois barbares, envoyant son armée dans la Gaule, écrit au général  : « Je veux qu’on suive les lois romaines, et que vous rendiez les esclaves fugitifs à leurs maîtres : le défenseur de la liberté ne doit point favoriser l’abandon de la servitude. Que les autres rois se plaisent dans le pillage et la ruine des villes qu’ils ont prises : nous voulons vaincre de manière que nos sujets se plai-