Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/316

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Dans la confusion de la conquête et de ses progrès, la plupart des choses changèrent de nature ; il fallut, pour les exprimer, se servir des anciens mots latins qui avaient le plus de rapport aux nouveaux usages. Ainsi, ce qui pouvait réveiller l’idée de l’ancien cens des Romains, on le nomma census, tributum ; et, quand les choses n’y eurent aucun rapport quelconque, on exprima, comme on put, les mots germains avec des lettres romaines : ainsi on forma le mot fredum, dont je parlerai beaucoup dans les chapitres suivants.

Les mots census et tributum ayant été ainsi employés d’une manière arbitraire, cela a jeté quelque obscurité dans la signification qu’avaient ces mots dans la première et dans la seconde race : et des auteurs modernes, qui avaient des systèmes particuliers, ayant trouvé ce mot dans les écrits de ces temps-là, ils ont jugé que ce qu’on appelait census était précisément le cens des Romains ; et ils en ont tiré cette conséquence, que nos rois des deux premières races s’étaient mis à la place des empereurs romains, et n’avaient rien changé à leur administration. Et, comme de certains droits levés dans la seconde race ont été, par quelques hasards et par de certaines modifications, convertis en d’autres, ils en ont conclu que ces droits étaient le cens des Romains : et comme, depuis les règlements