Aller au contenu

Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/330

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’y faire rentrer ; et comme, avant ce temps, il était défendu à tout le monde, et à sa femme même, de lui donner du pain ou de le recevoir dans sa maison, un tel homme était à l’égard des autres, et les autres étaient à son égard, dans l’état de nature, jusqu’à ce que cet état eût cessé par la composition.

À cela près, on voit que les sages des diverses nations barbares songèrent à faire par eux-mêmes ce qu’il était trop long et trop dangereux d’attendre de la convention réciproque des parties. Ils furent attentifs à mettre un prix juste à la composition que devait recevoir celui à qui on avait fait quelque tort ou quelque injure. Toutes ces lois barbares ont là-dessus une précision admirable : on y distingue avec finesse les cas, on y pèse les circonstances ; la loi se met à la place de celui qui est offensé, et demande pour lui la satisfaction que, dans un moment de sang-froid, il aurait demandée lui-même.

Ce fut par l’établissement de ces lois que les peuples germains sortirent de cet état de nature où il semble qu’ils étaient encore du temps de Tacite.

Rotharis déclara, dans la loi des Lombards, qu’il avait augmenté les compositions de la coutume ancienne pour les blessures, afin que, le blessé étant satisfait, les inimitiés pussent cesser, En effet, les Lombards, peuple pauvre, s’étant enrichis par la conquête de l’Italie, les compositions anciennes devenaient frivoles, et les réconciliations ne se faisaient plus. Je ne doute pas que cette considération n’ait obligé les autres chefs des nations conquérantes à faire les divers codes de lois que nous avons aujourd’hui.

La principale composition était celle que le meurtrier devait payer aux parents du mort. La différence des conditions en mettait une dans les compositions  :