Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/358

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temps, il y en eut d’autres qu’ils firent pour toujours. Il arriva que la cour voulut révoquer les dons qui avaient été faits : cela mit un mécontentement général dans la nation, et l’on en vit bientôt naître cette révolution fameuse dans l’histoire de France, dont la première époque fut le spectacle étonnant du supplice de Brunehault.

Il paraît d’abord extraordinaire que cette reine, fille, sœur, mère de tant de rois, fameuse encore aujourd’hui par des ouvrages dignes d’un édile ou d’un proconsul romain, née avec un génie admirable pour les affaires, douée de qualités qui avaient été si longtemps respectées, se soit vue tout à coup exposée à des supplices si longs, si honteux, si cruels, par un roi dont l’autorité était assez mal affermie dans sa nation, si elle n’était tombée, par quelque cause particulière, dans la disgrâce de cette nation. Clotaire lui reprocha la mort de dix rois  ; mais il y en avait deux qu’il fit lui-même mourir ; la mort de quelques autres fut le crime du sort ou de la méchanceté d’une autre reine ; et une nation qui avait laissé mourir Frédégonde dans son lit, qui s’était même opposée à la punition de ses épouvantables crimes, devait être bien froide sur ceux de Brunehault.

Elle fut mise sur un chameau, et on la promena dans toute l’armée ; marque certaine qu’elle était tombée dans la disgrâce de cette armée. Frédégaire dit que Protaire, favori de Brunehault, prenait le bien des seigneurs, et en gorgeait le fisc, qu’il humiliait la noblesse, et que personne ne pouvait être sûr de garder le poste qu’il avait. L’armée conjura contre lui, on le poignarda