Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/389

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Le père Le Cointe, malgré la foi de tous les monuments, nie que le pape ait autorisé ce grand changement  : une de ses raisons est qu’il aurait fait une injustice. Et il est admirable de voir un historien juger de ce que les hommes ont fait, par ce qu’ils auraient dû faire ! Avec cette manière de raisonner, il n’y aurait plus d’histoire.

Quoi qu’il en soit, il est certain que, dès le moment de la victoire du duc Pépin, sa famille fut régnante, et que celle des Mérovingiens ne le fut plus. Quand son petit-fils Pépin fut couronné roi ce ne fut qu’une cérémonie de plus, et un fantôme de moins : il n’acquit rien par là que les ornements royaux ; il n’y eut rien de changé dans la nation.

J’ai dit ceci pour fixer le moment de la révolution, afin qu’on ne se trompe pas, en regardant comme une révolution ce qui n’était qu’une conséquence de la révolution.

Quand Hugues Capet fut couronné roi au commencement de la troisième race, il y eut un plus grand changement, parce que l’État passa de l’anarchie à un gouvernement quelconque ; mais, quand Pépin prit la couronne, on passa d’un gouvernement au même gouvernement.

Quand Pépin fut couronné roi, il ne fit que changer de nom ; mais, quand Hugues Capet fut couronné roi, la chose changea, parce qu’un grand fief, uni à la couronne, fit cesser l’anarchie.

Quand Pépin fut couronné roi, le titre de roi fut uni au plus grand office ; quand Hugues Capet fut couronné roi, le titre de roi fut uni au plus grand fief.