Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/41

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le pays étranger, le change baisseroit, quoique l’argent fût rare.

Le change de toutes les places tend toujours à se mettre à une certaine proportion ; & cela est dans la nature de la chose même. Si le change de l’Irlande à l’Angleterre est plus bas que le pair, & celui de l’Angleterre à la Hollande soit aussi plus bas que le pair, celui de l’Irlande à la Hollande sera encore plus bas ; c’est-à-dire, en raison composée de celui de l’Irlande à l’Angleterre, & de celui de l’Angleterre, & de celui de l’Angleterre à la Hollande : car un Hollandois, qui peut faire venir ses fonds indirectement d’Irlande par l’Angleterre, ne voudra pas payer plus cher pour les faire venir directement. Je dis que cela devroit être ainsi : mais cela n’est pourtant pas exactement ainsi ; il y a toujours des circonstances qui font varier ces choses ; & la différence du profit qu’il y a à tirer par une place, ou à tirer par une autre, fait l’art ou l’habileté particuliere des banquiers, dont il n’est point question ici.

Lorsqu’un état hausse sa monnoie ; par exemple, lorsqu’il appelle six livres ou deux écus ce qu’ils n’appelloit que trois livres ou un écu, cette dénomination nouvelle, qui n’ajoute rien de réel à l’écu, ne doit pas procurer un seul gros de plus par le change. On ne devroit avoir, pour les deux écus nouveaux, que la même quantité de gros que l’on recevoit pour l’ancien ; &, si cela n’est pas, ce n’est point l’effet de la fixation en elle-même, mais de celui qu’elle produit comme nouvelle, & de celui qu’elle a comme subite. Le change tient à des affaires commencées, & ne se met en regle qu’après un certain temps.

Lorsqu’un état, au lieu de hausser simplement sa monnoie par une loi, fait une nouvelle refonte, afin de faire, d’une monnoie forte, une monnoie plus foible ; il arrive que, pendant le temps de l’opération, il y a deux sortes de monnoies ; la forte, qui est la vieille, & la foible, qui est la nouvelle : & comme la forte est décriée, & ne se reçoit qu’à la monnoie, & que, par conséquent, les lettres de change doivent se payer