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sies, les caprices, l’idée de conserver sa beauté, l’embarras de la grossesse, celui d’une famille trop nombreuse, troublent la propagation de mille manières.


CHAPITRE II.

Des mariages.


L’OBLIGATION naturelle qu’a le père de nourrir ses enfans, a fait établir le mariage, qui déclare celui qui doit remplir cette obligation. Les peuples[1] dont parle Pomponius Mela[2] ne le fixoient que par la ressemblance.

Chez les peuples bien policés, le père est celui que les loix, par la cérémonie du mariage, ont déclaré devoir être tel[3], parce qu’elles trouvent en lui la personne qu’elles cherchent.

Cette obligation, chez les animaux, est telle que la mere peut ordinairement y suffire. Elle a beaucoup plus d’étendue chez les hommes : leurs enfans ont de la raison ; mais elle ne leur vient que par degrés : il ne suffit pas de les nourrir, il faut encore les conduire : déjà ils pourroient vivre, & ils ne peuvent pas se gouverner.

Les conjonctions illicites contribuent peu à la propagation de l’espece. Le père, qui a de l’obligation naturelle de nourrir & d’élever les enfans, n’y est point fixé ; & la mère, à qui l’obligation reste, trouve mille obstacles, par la honte, les remords, la gêne de son sexe, la rigueur des loix : la plupart du temps elle manque de moyens.

Les femmes qui se sont soumises à une prostitution publique ne peuvent avoir la commodité d’élever leurs enfans. Les peines de cette éducation sont même incompatibles avec leur condition : & elles sont si cor-


  1. Les Garamantes.
  2. Liv. I, chap. III.
  3. Pater est quem nuptiæ demonstrant.