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Page:Montesquieu - Mélanges inédits, 1892.djvu/127

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HISTOIRE VÉRITABLE

saurois bien vous définir, car elle semble être opposée à la considération même. Ma mère, qui m’aimoit beaucoup, me disoit toujours : « Ma chère enfant, laissez les parler. Mettez-vous bien dans l’esprit que l’obscurité est tout ce qu’il y a de pis dans ce monde-ci. Fuyez là ! Quand on n’en peut pas sortir par des vertus, il faut en sortir par de certains vices, ou, au moins, par de certains ridicules. Sachez que le dernier degré de bassesse est d’être d’une famille où personne n’a seulement été en état de recevoir des mépris distingués de la part du public. »

» Dans une autre vie, je fus à un financier, c’est à dire que je fus à lui après avoir été à beaucoup d’autres. Cet homme, qui n’avoit aucun usage du monde, me demanda d’abord, de la façon la plus grossière et la plus plate, si j’avois…… Il vouloit parler de cette fleur que le peuple cherche, et que les honnêtes gens supposent toujours, « Monsieur, lui dis-je, je ne saurois répondre à cette question ; mais je vous supplie de voir combien je rougis. Un homme aussi aimable que vous mérite bien d’avoir, d’une femme, sa première faveur et sa dernière ; mais vos doutes m’offensent au point que je crois que, si je ne vous aimois pas, je vous renverrois tous les présents que vous m’avez faits et serois inexorable sur tous ceux que vous voulez me faire. Je les ai reçus comme des marques d’une belle passion ; et, pour cela, il a fallu que je prisse beaucoup sur ma délicatesse. J’ai trahi mes sentiments de générosité pour faire paroître avec éclat tous les vôtres. Si j’avois agi autrement, et que j’eusse refusé vos dons, je me serois épargné