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MÉMOIRE CONTRE L’ARRÊT DU CONSEIL

Seconde Raison. — Il faut craindre la disette du blé dans la Guyenne.

Réponse : La Guyenne a, à peu près, assez de blé dans les années ordinaires ; elle en manque dans les stériles. Elle a cela de commun avec les autres pays.

Il est vrai que, même dans les années abondantes, une partie de la Guyenne n’a point assez de blé, et cela n’en est que mieux, parce que cette partie consomme le blé surabondant de l’autre et des provinces voisines.

Il n’y a presque point de ville considérable dans le royaume où, dans les années stériles, le prix du blé ne monte plus haut qu’à Bordeaux : depuis plus de quinze ans, le prix du pain, pour les artisans, a été au-dessous de deux sols la livre, à quelques mois près.

Bordeaux, communiquant à la mer, a des ressources promptes. Aussi la cherté du blé n’y a jamais duré plus d’un mois ou deux. Or, ce n’est que la continuité du mal qui le rend intolérable, par l’épuisement du crédit et des ressources de chaque famille.

On peut mettre, en principe, que toute ville qui communique à la mer, qui n’est point assiégée, qui a un équivalent à donner pour une marchandise, a bientôt cette marchandise. Et il ne faut point objecter le cas de la guerre, car le commerce n’est pas toujours prohibé entre les états qui sont en guerre, et, d’ailleurs, si l’on est en guerre avec un état, on ne l’est pas avec l’autre.