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NOTES

« A Bordeaux, le 18 avril 1727.
» Monsieur le Contrôleur général,

» J’ai reçu, avec la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, le placet présenté, par le sieur de Montesquieu, pour demander la permission de planter en vignes trente journaux de landes qu’il a achetés le 24 décembre dernier, et le mémoire par lequel il prétend justifier que l’arrêt du Conseil du 17 février 1725, qui défend de faire de nouvelles plantations en vignes dans la généralité de Guyenne, est contraire au bien de la province et du royaume.

» Comme le sieur de Montesquieu a beaucoup d’esprit, il ne s’embarrasse pas de traiter des paradoxes, et il se flatte qu’à la faveur de quelques raisons brillantes, il lui sera facile de prouver les choses les plus absurdes. Je vous prie de me dispenser de répondre à son mémoire et d’entrer en lice avec lui. Il n’a d’autres occupations que de chercher des occasions d’exercer son esprit. Pour moi, j’ai des choses plus sérieuses qui doivent m’occuper, et je me contenterai de vous dire qu’avant qu’il eût fait cette acquisition, et même avant que l’arrêt qui a défendu la nouvelle plantation des vignes eût été rendu, il étoit du sentiment commun de toute la province, que, non seulement il ne falloit pas souffrir que l’on plantât de nouvelles vignes, mais qu’il auroit été à souhaiter qu’on arrachât, au moins, un tiers de celles qui avoient esté plantées depuis 1709. Son intérêt personnel le fait aujourd’hui changer de langage et non de sentiment ; car je suis persuadé qu’il est toujours dans les mêmes principes, et que le mémoire qu’il vous a présenté est un jeu d’esprit, dont il connoît mieux que personne la fausseté. Mais il ne doit pas être écouté, et il y a beaucoup moins de raison de lui accorder la permission qu’il demande qu’à une infinité de personnes qui voudroient planter en vignes des terres qu’elles possèdent depuis longtemps.

» Et, pour peu qu’on s’écartât de l’exécution de l’arrêt du Conseil auquel vous m’avez ordonné de tenir la main, par votre lettre du 2e mars dernier, le peu de terres labourables ou prairies qui restent dans cette province, du moins aux environs de cette ville, seroient bientôt converties en vignes.

» Le sieur de Montesquieu n’a acheté les terres qu’il veut mettre en vignes qu’au mois de décembre dernier. Si effectivement elles n’étoient propres qu’à la vigne, il ne devoit pas en