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ÉLOGE DE LA SINCÉRITÉ
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Les Stoïciens faisoient consister presque toute la philosophie à se connoître soi-même. « La vie, disoient-ils, n’étoit pas trop longue pour une telle étude. » Ce précepte avoit passé des écoles sur le frontispice des temples ; mais il n’étoit pas bien difficile de voir que ceux qui conseilloient à leurs disciples de travailler à se connoître ne se connoissoient pas.

Les moyens qu’ils donnoient pour y parvenir rendoient le précepte inutile : ils vouloient qu’on s’examinât sans cesse, comme si on pouvoit se connoître en s’examinant.

Les hommes se regardent de trop près pour se voir tels qu’ils sont. Comme ils n’aperçoivent leurs vertus et leurs vices qu’au travers de l’amour-propre, qui embellit tout, ils sont toujours d’eux-mêmes des témoins infidèles et des juges corrompus.

Ainsi, ceux-là étoient bien plus sages qui, connoissant combien les hommes sont naturellement éloignés de la vérité, faisoient consister toute la sagesse à la leur dire. Belle philosophie, qui ne se bornoit point à des connoissances spéculatives, mais à l’exercice de la sincérité ! Plus belle encore, si