Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/170

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

stupide par la crainte avant de l’être devenu par les plaisirs. Or, si cet état est affreux, que dirons-nous de l’aveuglement de ceux qui travaillent sans cesse à se le procurer, et qui prennent tant de peine pour 5 sortir d’une situation dans laquelle ils sont les plus heureux de tous les princes, pour devenir les plus misérables. »

275* (1734. III, f° 5i). — Lorsque la conquête est médiocre, l’État peut rester ou devenir monarchi

10 que. Il faut que le conquérant cherche à maintenir sa conquête par des forteresses.

Les forteresses, comme nous l’avons dit, appartiennent plus au gouvernement monarchique, parce qu’elles sont opposées au gouvernement militaire.

i5 De plus, elles supposent une grande confiance dans les Grands, puisqu’on leur donne un si grand dépôt. Elles supposent même une plus grande confiance dans le Peuple, puisque le Prince a moins à craindre.

o Quand je parle ainsi des forteresses, je ne parle pas d’un petit tyran qui, maître d’une ville, y bâtit une forteresse, qui le rend plus cruel encore. Il est lui-même son gouverneur. Le gouverneur despotique et militaire se trouve également et dans le petit

25 prince d’une ville, et dans le maître d’un vaste empire.

Vitiza, roi des Goths, démolit toutes les forteresses d’Espagne ; Gilimer, roi des Vandales, détruisit toutes celles d’Afrique. Aussi ces deux états 30 furent-ils conquis, pour ainsi dire, en un jour. Au