Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/345

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appelle profanes les sciences utiles au Genre humain, lorsqu’elles ne touchent pas le premier, le plus grand et le plus fort de ses intérêts.

583-590. — Réflexions Sur Les Premières HisToires. 5

583* (16o1. II, f° 457). — C’était des temps bien extraordinaires que les premiers siècles : il n’y avoit que les princes qui eussent de l’esprit ; tous les autres hommes n’avoient pas le sens commun. Il fallut que les Roix enseignassent tous les arts à leurs peuples, 10 qui avoient l’esprit si bouché qu’ils ne s’avisoient pas même des choses les plus simples.

Vous vous rappelez toujours l’idée d’un berger qui vivoit seul dans un désert avec ses troupeaux, et de qui l’on diroit qu’il auroit inventé une bergerie i5 pour les retirer, de faire sécher de l’herbe et de la serrer pour les nourrir l’hiver, de tondre la laine qui les incommodoit. C’est ainsi qu’on nous représente les peuples comme des bêtes, pendant que les princes jouissoient seuls des lumières de la raison. 20

Isis enseigne aux Égyptiens à coudre, à filer, à semer, à cuire le pain. On trouve d’aussi fins inventeurs dans les autres pays : un roi de Macédoine — quelle absurdité ! — inventa les poids et les mesures1 ; et, comme si les hommes siffloient auparavant, a5 on dit que Mnémosyne leur apprit à parler2.

1. Le Syncelle rapporte ce fait.

2. Cela est conforme à ce que dit Diodore de Sicile, livre V, chapitre xv.