Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/380

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renonça à sa dissimulation même et fit paroître toute sa joye. Il partit des états de Bourgogne, suivi du Duc et de son fils, et alla se faire sacrer à Reims. Dans un moment, il changea tout ce qu’avoit fait 5 son père, mortifia tous ses serviteurs, protégea tous ceux qui s’étoient signalés contre lui par quelques crimes, reçut dans sa faveur le médecin Fumée, accusé de l’avoir empoisonné, doubla les impôts, abolit les privilèges des villes, inquiéta la Noblesse, 10 ôta les charges ou en diminua les prérogatives, et, ce que la vengeance ou l’avarice, qui peuvent avoir des bornes, ne lui fit pas changer, il le changea par inquiétude.

Il abolit la Pragmatique-Sanction, c’est-à-dire

i5 l’ouvrage de la Religion et de la Liberté. Il refusa un apanage convenable à Monsieur ; il inquiéta le duc de Bourgogne ; il rétablit le duc d’Alençon.

Tout-à-coup, il parut avec une armée sur la Bretagne, et il fit au Duc des demandes si déraison

ao nables qu’il fit bien voir qu’il n’en vouloit pas plus à lui qu’aux autres seigneurs. Le Duc, surpris et épouvanté, s’humilia et promit tant de choses qu’il pensa de tromper le Roi, à force de promettre. Mais, pendant ce temps-là, il envoya des émissaires par

2b tout ; il représenta aux seigneurs qu’il ne falloit pas qu’ils pensassent que la Bretagne seroit seule insultée ; qu’il n’avoit avec le Roi aucune querelle particulière : uniquement son ennemi parce qu’il étoit son vassal ; qu’il venoit sur ses frontières exiger

3o des droits jusqu’alors inouïs ; que c’étoit avec les armes qu’il faisoit ses procédures ; que cet esprit