Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/391

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La vie du duc d’Alençon fut un continuel désespoir : il aimoit les plaisirs ; il avoit toujours de grands desseins ; mais il n’avoit à la tête de ses desseins que les ministres de ses plaisirs. Appelé aux Pays-Bas, et mécontent de ce qu’on n’y donnoit 5 pas au Protecteur de la liberté toute la puissance de la tyrannie, il fit des entreprises sur les principales villes et eut le chagrin d’avoir montré sa perfidie vainement. Ainsi ces peuples, qui virent la servitude aussi présente avec lui que sans lui, revinrent à 10 cette ancienne haine contre les François qu’ils avoient sous la Maison de Bourgogne.

Don Carlos fut la plus grande victime de l’Inquisition, s’il est vrai qu’elle ait pardonné aux mânes de Charles-Quint. Ainsi la superstition acheva dans 25 le cœur de Philippe ce que la jalousie y avoit commencé. On dit qu’après avoir tenté inutilement la pitié de son père, il rendit dans son sang une vie qui lui étoit à charge depuis qu’il l’avoit demandée.

Ce prince étoit violent ; mais l’impétuosité de *o l’esprit est moins incurable que sa foiblesse, et cette foiblesse dans les roix qui succédèrent rendit cette mort de don Carlos fatale à la Monarchie.

C’étoit le destin de l’Angleterre qu’elle seroit deux fois perdue par l’impétuosité des Papes. La ^5 grande puissance que Rome avoit exercée sur ce royaume la rendit moins traitable dans ses démêlés avec ses roix. Mesurant le degré de l’empire à celui de la désobéissance, elle fut incapable de tous ces