Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/426

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bourgeois de Calais qui s’offrirent à la mort pour sauver leur patrie, et que M. de Saci a tiré de l’oubli. Je ne sais qu’est devenue celle de cette femme qui, du temps de Charles VIII, sauva Amiens. ? Ces bourgeois sont encore bourgeois. Mais, s’il y a eu dans notre France quelque insigne fripon, comptez sûrement que sa postérité est dans les honneurs.

Mais la vertu n’en doit pas moins être l’objet éternel de nos poursuites. On l’a laissée presque 10 toujours sans récompense : on l’a fuie, on l’a crainte, on l’a persécutée. Il n’est guère encore arrivé qu’on l’ait méprisée.

611* (126o. II, f° 11o v°). — De l’Histoire. — Il est à propos que chacun lise l’histoire, surtout celle de

ib son pays. On doit cela à la mémoire de ceux qui ont servi leur patrie et ont contribué à donner par là aux gens vertueux cette récompense qui leur est due, et qui souvent les a encouragés. Le sentiment d’admiration que leurs belles actions

20 excitent en nous est une espèce de justice que nous leur rendons, et l’horreur que nous avons pour les méchants en est une autre. Il n’est pas juste d’accorder aux méchants l’oubli de leur nom et de leurs crimes. Il n’est pas juste de laisser les grands hom

25 mes dans ce même oubli que les méchants ont paru souhaiter.

Les historiens sont des examinateurs sévères des actions de ceux qui ont paru sur la Terre, et ils sont une image de ces magistrats d’Égypte qui appeloient 3o en jugement l’âme de tous les morts.