Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/431

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être exterminés par de petits peuples barbares chez qui ils descendirent, et ne se sauvèrent que par une prompte retraite, après avoir été bien maltraités ; au lieu qu’ils ne trouvèrent aucune résistance dans le Pérou, et fort peu dans le Mexique, 5 où la superstition ôtait à ces empires toute la force qu’ils auroient pu tirer de leur grandeur et de leur police. Les Princes, pour se faire révérer comme des Dieux, avoient rendu leurs peuples stupides comme des bêtes et périrent par cette même supers- 10 tition qu’ils avoient accréditée pour leur avantage.

Presque partout où les Péruviens se défendirent, ils eurent de l’avantage sur les Espagnols. Il ne leur manquoit donc que l’espérance du succès et d’être délivrés des maux de la foiblesse de l’esprit. 15

615* (1266. II, f° 116 v°).— Continuation de quelques Pensées qui n’ont pu entrer dans le Traité des Devoirs. — Faisons un effort pour arracher de notre cœur l’idée de Dieu ; secouons une bonne fois ce joug que l’erreur et le préjugé ont mis sur la a0 Nature humaine ; affermissons nous bien dans la pensée que nous ne sommes plus dans cette dépendance. Voyons quels seront nos succès ! Dès ce moment, nous perdrons toutes les ressources de l’adversité, celles de nos maladies, de notre vieillesse," et (ce qui est encore plus) celles de notre mort. Nous allons mourrir, et il n’y a point de Dieu ! Peutêtre que nous entrerons dans le néant. Mais quelle idée effroyable ! Que si notre âme survit, isolée, sans appui, sans secours dans la Nature ; quel triste état 3o