Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/440

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ne le conservent que pour leur servir à les rendre maîtres de son empire.

Ils brûlent son successeur Guatimozin pour l’obliger à découvrir ses trésors.

5 Mais que dirons-nous de l’inca Athualpa ? Il vient avec une nombreuse suite au devant des Espagnols. Un Dominicain lui fait une harangue qu’il trouve impertinente, parce que l’interprète ne peut pas bien la lui expliquer, et qu’il auroit trouvée encore plus

10 impertinente s’il la lui avoit bien expliquée. Ce moine irrité court, anime les Espagnols, qui prennent Athualpa, avec un carnage horrible des siens, qui ne se défendirent jamais. Cependant, ce moine crioit de toute sa force de percer ces Infidèles, au

i5 lieu de frapper du revers de leurs épées.

Le malheureux prince convient de sa rançon, qui étoit autant d’or qu’il en pourroit tenir dans une grande salle, à une hauteur qu’il marqua. Malgré cet accord, on le condamna à la mort.

a0 Ce jugement rendu avec réflexion, pour donner des formes à l’injustice, me paroît un noir assassinat.

Mais les chefs d’accusations sont singuliers : on lui dit qu’il est idolâtre, qu’il a fait des guerres injustes, qu’il entretient plusieurs concubines, qu’il

20 a détourné ses (sic) tributs de l’Empire depuis sa prison. On le menace de le faire brûler s’il ne se fait pas baptiser, et, pour le prix de son baptême, on l’étrangle. Mais ce qui révolte dans ces histoires, c’est le

3o contraste continuel de dévotions et de cruautés, de crimes et de miracles : on veut que le Ciel conduise