Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t1, 1899.djvu/463

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650* (1g85. III, f° 281). — Je ne puis me mettre dans l’esprit qu’il puisse jamais y avoir un prince françois qui n’aime pas sa nation. Il y a bien de certains états où les princes, ayant sans cesse à disputer avec leurs sujets sur leurs prérogatives, pourroient 5 être aigris par la contradiction. Mais je ne puis concevoir que la même chose puisse arriver ici, où les sujets, se fiant aveuglément à leur prince, se sont abandonnés à lui, presque sans restriction, et ont mis tout leur bonheur entre ses mains. 10

651* (1986. m, f° 281 v°). — S’il arrive quelque révolte, il faut que la sagesse et la prudence du Prince règle (sic) sa clémence et sa justice. On pourroit lui dire : « La place que vous occupez peut être remplie par un autre, sans que, pour vous la con- i5 server ou pour calmer vos craintes, il en doive coûter des ruisseaux de sang à la Nature humaine. Votre vie n’est plus précieuse que parce qu’elle est plus utile à ces hommes mêmes que vous voulez détruire. « Ce peuple (dites-vous) est rebelle, et il faut 10 » un grand exemple ? » Et moi, je vous dis que ce n’est point à une société à servir d’exemple, puisqu’au contraire ce seroit pour elle qu’on devroit le donner. Souvent, lorsque vous pardonnez, vous croyez faire un acte de clémence, et vous en faites un de justice. ab Souvent, lorsque vous punissez, vous croyez faire un acte de justice, et vous en faites un de cruauté. La puissance n’est point à vous : vous n’en avez que l’usage et ne l’avez que pour un moment. Si quelque être pouvoit [abuser] de son pouvoir, ce seroit le 3o