Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t2, 1901.djvu/19

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777 (2155. III, f° 352 v°). — Les ambassadeurs de Siam, haranguant le Roi, paroissoient chanter. On leur demanda comment ils avoient trouvé notre prononciation. Ils dirent qu’il leur sembloit qu’on chantoit. Voilà comme on juge des choses ! Effec- 5 tivement, tout ce qui s’éloigne de la prononciation ordinaire paroît chant.

778 (415. I, p. 375). — La langue françoise consiste toute en ïambes, c’est-à-dire que l’on sépare tout de deux syllabes en deux syllabes, dont la 1o première est brève, et l’autre, longue. La langue italienne, au contraire, consiste toute en trochées

et est coupée de deux en deux syllabes d’une longue et d’une brève. Cela fait deux déclamations totalement différentes, et qui se peut (sic) à peine 15 comprendre quand on en ignore la raison. Comme le récitatif italien est une déclamation plus haute, nous, François, ne le pouvons pas plus souffrir que la déclamation italienne. Or, ce qui fait une déclamation si différente doit faire [une] musique 10 aussi très différente. L’Italien pèse sur la pénultième syllabe ; le François, sur la dernière.

Les Anglois et les Allemands et originaires Teutons ne font ni trochées, ni ïambes ; ils font des dactyles : Milord Cârteret ; dêr, dên (?) Vàter ; et, 25 comme le dactyle approche plus du trochée que de l’ïambe (car c’est toujours la dernière brève), ces langues souffrent mieux la musique italienne que la françoise. Chaque musique est donc excellente, c’est-à-dire la plus excellente que chaque ?o