Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t2, 1901.djvu/21

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Le tragique a besoin de force, et la prononciation italienne n’a pas cette force. La cadence dans la danse et la musique, c’est de tomber tout-à-coup, afin d’ébranler l’âme. Tous les vers latins finissoient leur repos et le dernier pied par une longue, et 5 une brève étoit une licence. Voilà (je crois) pourquoi une pièce françoise ne peut être bien traduite en italien ; si fait bien une pièce angloise. C’est que l’anglois a toujours des dactyles et finit par des brèves comme l’italien. Il est vrai encore qu’il 1o y a une autre raison, qui est que la langue françoise est plus pure et plus simple, et l’italienne est plus haute et plus élevée ; ce qui fait que ce qui est grand parmi nous est commun parmi eux, et ce qui est, parmi nous, commun est pour eux 15 insipide.

Les articles, dont notre langue est pleine, empêchent nos vers d’être si serrés que les latins. Cela étend les mots, quoiqu’il n’y ait que le même sens. Les Grecs avoient aussi des articles ; mais ao ils les retranchoient quand ils vouloient. Ces articles sont des non-valeurs. D’ailleurs, il n’y a que les transpositions du génitif et du datif qui soyent permises en françois. Nous avons notre césure toujours au même endroit ; mais les Italiens »5 la mettent après le premier, le second ou le troisième pied : témoin, les trois premiers vers du Tasse.

779 (1099. II, f° 73). — Dans le Thyeste de Sénèque, Thyeste demande à voir ses enfants. Atrée, 3o