Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t2, 1901.djvu/304

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Mais la nature ni la fortune ne furent jamais si fort (sic) contre lui que lui-même.

Il ne se régloit point sur la disposition actuelle des choses, mais sur un certain modèle qu’il avoit 5 pris ; encore le suivoit-il très mal. Il n’étoit point Alexandre ; mais il auroit été le meilleur soldat d’Alexandre.

Le projet d’Alexandre ne réussit que parce qu’il étoit sensé. 1o Les mauvais succès des Perses dans les invasions qu’ils firent de la Grèce, les conquêtes d’Agésilas et la retraite des Dix Mille avoient fait connoître au juste la supériorité des Grecs dans leur manière de combattre et dans le genre de leurs armes, et l’on 15 savoit bien que les Perses étoient incorrigibles. Ils ne pouvoient plus troubler la Grèce par ses divisions. Elle étoit alors réunie sous un chef qui ne pouvoit avoir de meilleur moyen pour la contenir, que de l’éblouir par la destruction de ses ennemis 2o éternels et l’espérance de la conquête de l’Asie. Un empire cultivé par la nation du Monde la plus industrieuse, et qui travailloit les terres par principe de religion, fertiles et abondantes en toutes choses, donnoit à un ennemi toutes sortes de facilités pour "y subsister.

On pouvoit juger par l’orgueil de ces roix, toujours vainement mortifiés par leurs défaites, qu’ils précipiteroient leur chute en donnant toujours des batailles, et que la flatterie ne permettroit jamais 3o qu’ils pussent douter de leur grandeur.

Et non seulement le projet étoit sage ; mais il fut T. u. 37