Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t2, 1901.djvu/484

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On est si fortement persuadé que les grandes richesses des ecclésiastiques sont un abus, que, si je prétendois le prouver ici, je passerois pour un imbécile. Mais, telle est la force du préjugé, qu’il subsiste 5 même après avoir été détruit. Et tel qui vous dira que les grandes richesses des ecclésiastiques sont le plus violent abus sera le premier à vous dire que la Religion vous défend d’y toucher et de mettre (comme on dit) la main à l’encensoir ; comme si

1o diminuer leur revenu étoit usurper leurs fonctions. Faites (je vous prie) ici trois réflexions : La première est que, quelque charge que l’on impose sur le Clergé, cela ne sauroit être pernicieux à l’État ; au lieu que, si l’on charge trop les

15 laboureurs par les tailles ou les bourgeois par les entrées, il faut nécessairement que tout l’État se bouleverse. Si l’on charge un paysan de manière que la taille épuise son revenu, ou que ce revenu soit si modique qu’il ne vaille pas la peine de faire

2o les dépenses et les avances de la culture, il laissera sa terre inculte ou ne travaillera que ce qu’il en faut pour vivre. Que si vous chargez encore trop les marchandises de droits d’entrée, il n’y aura point de consommation. Mais, pour l’Église, on peut la

25 charger impunément, parce que, comme presque tout son revenu consiste en rentes et en dîmes, il n’y a pas danger qu’ils (sic) les abandonnent, quelque petit que soit le profit de les recueillir. La seconde réflexion est que les richesses de

3o l’Église sont contre les gens d’Église mêmes, parce qu’elles les rendent esclaves des princes et des