Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t2, 1901.djvu/546

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2204*(1676. III, f° 27).—Je disois qu’il étoit très naturel de croire qu’il y avoit des intelligences supérieures à nous : car, en supposant la chaîne des créatures que nous connoissons, et les différents 5 degrés d’intelligence, depuis l’huître jusqu’à nous, si nous faisions le dernier chaînon, cela seroit la chose la plus extraordinaire, et il y auroit toujours à parier 2, 3, 400 mille ou millions contre un, que cela ne seroit pas, et que, parmi les créatures, ce fût nous qui eussions la première place, et que nous fussions la fin du chaînon, et qu’il n’y a point d’être intermédiaire entre nous et l’huître, qui ne pût raisonner comme nous. Il est vrai que nous sommes les premiers parmi les êtres que nous connoissons. Mais, quand nous en concluons que nous sommes les premiers des êtres, nous triomphons de notre ignorance, et de ce que nous ne connoissons pas la communication de notre globe à un autre, ni même tout ce qui existe dans notre globe.

M. de Fontenelle a là-dessus une très jolie idée. Il dit qu’il peut être que les intelligences qui ont donné occasion à toutes les histoires de communication avec les êtres inconnus ne peuvent pas vivre longtemps dans notre globe, et qu’il en est comme des plongeurs qui peuvent aller dans la mer et ne peuvent pas vivre dans la mer. Ainsi la communication avec les Esprits aériens, par exemple, aura été courte ; elle aura été rare ; mais elle aura été faite quelquefois.