Page:Montesquieu - Pensées et Fragments inédits, t2, 1901.djvu/60

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Pour bien sentir ce que c’est que la longueur et la brièveté, pour sentir encore ce que c’est que répétition, il faut distinguer trois sujets principaux : les choses dont le sujet consiste dans le raisonnement ; 5 celles dont le sujet consiste dans la peinture, comme est, par exemple, la poésie en général ; celles, enfin, dont le sujet consiste à exprimer l’agitation des passions. Dans le premier cas, on ne sauroit trop écarter le superflu : toute parole, toute idée inutile

1o est pernicieuse, parce que l’esprit, la croyant importante, se fatigue ou se dégoûte ; souvent même ce qui étoit .clair devient obscur, parce qu’on s’imagine n’avoir pas entendu ce qu’on a très bien entendu. Mais, dans le cas de la peinture soit des

15 effets de la nature, soit des effets des passions, l’esprit doit être en quelque façon parleur, pour exprimer ce nombre infini de choses que l’œil voit, ou que le cœur sent, et pour faire connoître qu’il a vu une infinité de choses qu’ils n’avoient pas su distinguer ’.

2o Ovide, comme j’ai dit ailleurs, est admirable pour

peindre les circonstances, et ce qui prouve qu’il

n’est point diffus, c’est qu’il est rapide, et, en cela,

on peut très bien le comparer à PArioste.

On dit qu’Ovide est diffus, et cependant je ne vois

23 qu’on puisse rien retrancher d’Ovide. Le cavalier Marin est diffus parce qu’on y peut retrancher tout ce qu’on veut, quelques vers, le quart de l’ouvrage, la moitié de l’ouvrage. Ce qui reste n’en sera que meilleur, c’est-à-dire moins insupportable.

1, Rendre plus clair.