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Liv. II. Chap. II.

pourroit l’accuser d’en être indigne[1] : cela tenoit en même temps du sort & du choix. Quand on avoit fini le temps de sa magistrature, il falloit essuyer un autre jugement sur la maniere dont on s’étoit comporté. Les gens sans capacité devoient avoir bien de la répugnance à donner leur nom pour être tirés au sort.

La loi qui fixe la maniere de donner les billets de suffrage, est encore une loi fondamentale dans la démocrate. C’est une grande question, si les suffrages doivent être publics ou secrets. Cicéron[2] écrit que les lois[3] qui les rendirent secrets dans les derniers temps de la république Romaine, furent une des grandes causes de sa chute. Comme ceci se pratique diversement dans différentes républiques, voici, je crois, ce qu’il en faut penser.

Sans doute que, lorsque le peuple

  1. On tiroit même pour chaque place deux billets ; l’un qui donnoit la place, l’autre qui nommoit celui qui devoit succéder, en cas que le premier fût rejeté.
  2. Liv. I & III des Lois.
  3. Elles s’appeloient lois tabulaires ; on donnoit à chaque citoyen deux tables ; la premiere marquée d’un A, pour dire antiquo ; l’autre d’un U & d’une R, uti rogas.