Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
de l’esprit des Lois,

la tendresse pour ses enfans & ses femmes, les lois de l’honneur, l’état de sa santé ; on a reçu l’ordre, & cela suffit.

En Perse, lorsque le roi a condamné quelqu’un, on ne peut plus lui en parler, ni demander grace. S’il étoit ivre ou hors de sens, il faudroit que l’arrêt s’exécutât tout de même[1] ; sans cela il se contrediroit, & la loi ne peut se contredire. Cette maniere de penser y a été de tout temps : l’ordre que donna Assuérus d’exterminer les Juifs ne pouvant être révoqué, on prit le parti de leur donner la permission de se défendre.

Il y a pourtant une chose que l’on peut quelquefois opposer à la volonté du prince[2] ; c’est la religion. On abandonnera son pere, on le tuera même, si le prince l’ordonne : mais on ne boira pas du vin, s’il le veut & s’il l’ordonne. Les lois de la religion sont d’un précepte supérieur, parce qu’elles sont données sur la tête du prince comme sur celles des sujets. Mais quant au droit naturel, il n’en est pas de même ; le prince est supposé n’être plus un homme.

  1. Voyez Chardin
  2. Voyez Chardin.